jeudi 27 mars 2014

Séjour sur le motu Omaï, août 2012

Cadre et objectifs


Les 2 motu Omaï (le "grand" et le "petit") se trouvent sur la côte sud de Rangiroa. Il faut donc pour s'y rendre traverser le lagon dans sa largeur depuis la zone habitée (environ 2 heures de trajet). Le récif entourant les îlots ne permet pas au bateau de s'approcher à moins d'une centaine de mètres du rivage. Il faut donc marcher un certain temps avec de l'eau jusqu'à la taille en portant le matériel. 
Cette mission d'une semaine sur place a été réalisée avec l'ornithologue de la Société d'Ornithologie MANU afin d'établir un suivi de la population de gallicolombes érythroptères. Cette espèce endémique, classée "en danger critique d'extinction" (CR) par l'UICN est présente sur seulement quatre îles polynésiennes (dont trios atolls des Gambier, plus Rangiroa). 
Les objectifs étaient de :
- suivre les individus et d'acquérir des données sur la biologie et l'écologie alimentaire, 
- d'améliorer leur habitat
- faire un test de nourrissage artificiel avec des graines du commerce. 

Caractéristiques du milieu


L’atoll de Rangiroa possède onze espèces d’oiseaux terrestres indigènes dont quatre sont endémiques (que l'on ne trouve pas ailleurs) de Polynésie française : la Gallicolombe érythroptère Gallicolumba erythroptera, le Ptilope des Tuamotu Ptilinopus coralensis, le Lori nonnette Vini peruviana et la Fauvette ou Rousserole des Tuamotu Acrocephalus atyphus. La présence du Lori nonnette et de la Gallicolombe érythroptère a permis le classement des motus de l’ouest et du sud-ouest de Rangiroa en ZICO (Zone Importante pour la Conservation des Oiseaux).
La végétation des motu a été fortement modifiée par les cultures traditionnelles (taro, qui est un tubercule local) et coloniales (coprah, l’amande de la noix de coco) et il existe très peu de zones non modifiées par la présence humaine. Les nombreuses cocoteraies en friche ou encore exploitées, de part le fait que ce sont des monocultures, ne sont pas très favorables à la présence d’oiseaux. Parmi la flore indigène trouvée sur les motu et favorable aux oiseaux, on peut citer le pu’atea (ou pourpier) Pisonia grandis, le a’ie Pemphis acidula, et le kahaia Guettarda speciosa

Connaissances sur la Gallicolombe érythroptère

La Gallicolombe erythroptère ou u’uaira’o (archipel de la Société), u’u airaoamaho (Tahiti), tutururu (archipel des Tuamotu), itikoe (Mangareva) Gallicolumba erythroptera (Gmelin, 1789), est une espèce endémique de Polynésie française. Autrefois présente dans au moins vingt-quatre îles et atolls de la Société (dont Tahiti et Moorea) et des Tuamotu-GambierLa situation actuelle est précaire avec seules 4 populations connues pour l’espèce : atolls de Tenararo, Vahanga, Morane (archipel des Gambiers) et Rangiroa. Avec moins de 100 oiseaux estimés, l’espèce est inscrite en catégorie A sur la liste des espèces protégées par la réglementation territoriale de Polynésie française. Elle est classée "gravement menacée d’extinction" (CR) sur la liste rouge de BirdLife International.
Un jeune tutururu mâle, photo personnelle
La population de Rangiroa ne vit que sur 2 motu éloignées de la zone habitée de l’atoll (soit une superficie de moins de 8 ha au total). Cette espèces vole peu et se déplace essentiellement au sol. Elle est vulnérable face aux prédateurs (chats, chiens, cochons, rats) qui sont à ce jour absents sur les motu Omaï. L’association SOP Manu est le « Species Guardian » du Tutururu dans le cadre des programmes de BirdLife International. 



Faune

Les animaux les plus présents sont les oiseaux. 
En dehors des tutururu, ce sont essentiellement des oiseaux de mer qui nichent sur place, profitant de la tranquillité qu'offre un motu non habité, et exempt des principaux prédateurs. On trouve essentiellement des noddis : noddi brun (Anous stolidus) et noddi noir (Anous minutus), des gygis blanches (Gygis alba), des sternes huppées (Sterna bergii), des fous bruns (Sula leucogaster) et fous à pieds rouges (Sula Sula). On observe également quelques frégates ; il existe deux espèces : les frégates ariel (Fregata ariel) et frégates du Pacifique ou grande frégate (Frégata minor). 
Comme oiseaux terrestres visibles, mais nettement moins nombreux, on peut croiser quelques chevaliers errants (Tringa incana) et courlis d'Alaska (Numenius tahitiensis), venants tous deux d'Amérique du nord et hivernant de septembre à avril-mai dans le pacifique. 
Quelques crabes verts (Grapsus tenuicrustatus) se pressent sur les rivages. A l'intérieur des motus, cachés dans les cavités d'arbres adultes ou grimpant sur de très jeunes troncs, des crabes de cocotier ou Kaveu (Birgus latro) aux couleurs vives se défendent en tendant leurs pinces sur notre passage. A ce jour, nous n'en avons vu aucun s'attaquer à des oeufs, mais leur habileté à grimper en font des prédateurs potentiels. Plus grand arthropode terrestre, mais qui ne l'est qu'à l'âge adulte. Ses puissantes pinces lui permettent d'ouvrir les noix de coco dont il se nourrit (en partie). Plusieurs autres espèces de bernard-l'ermites (Dardanus sp.) sont très présents. 
Chaque passage sur les motu Omaï permettent de vérifier l'absence des principaux prédateurs des tutururu (et autres oiseaux). Ce sont essentiellement les rats : le rat polynésien (rattus exulens) et le rat noir (rattus rattus). 

Résultats de la mission 

Cette visite de plusieurs jours sur les motus Omaï nous a permis d'installer des panneaux de sensibilisation (un pancarte sur chaque motu) à la présence des tutururu pour encourager toute personne de passage à préserver cet habitat. 
Nous avons également testé des dispositifs de nourrissage à partir de graines du commerce en faveur des tutururu. Ces dispositifs ont effectivement attiré quelques gallicolombes venues se nourrir, mais n'ont malheureusement pas résisté à l'adresse et l'habileté des bernard-l'ermites qui ont franchi allègrement les barrières prévues pour les repousser. Ce système ne sera donc pas pérennisé. 

Amélioration des connaissances du tutururu

Le fait de rester plusieurs jours de suite sur place (avec 3-4 personnes disponibles pour des observations durant 5 jours) a permis d'améliorer les connaissances sur le comportement des tutururu à Rangiroa. 

Comportement
Même s'il est en mesure de voler, cet oiseau passe le plus clair de son temps au sol. Un mâle a été vu en parade quasiment continuelle au cours de 4 journées, représentant 43 % des observations. En retirant cette donnée, biaisant les résultats car nous recherchions volontairement cet individu, les tutururu passent 79 % de leur temps à rechercher de la nourriture. Ils passent 13 % de leur temps à la toilette de leur plumage et seulement 6 % de leur temps à se déplacer sans s’alimenter.

Tab 1 : Données sur le comportement des tutururu en juillet 2012 à Rangiroa
Comportement
Durée (en sec)
Proportion
Durée (en sec)
Proportion
Alimentation sur plantes
8708
33,5%
8708
59%
Glanage insecte / graines au sol
2875
11,0%
2875
20%
Marche simple
621
2,4%
621
4%
Parade
11330
43,5%


Toilette
1848
7,1%
1848
13%
Interactions intra spécifique
380
1,5%
380
3%
Vol
267
1,0%
267
2%
TOTAL
26029

14699



Notion de territoire
Les 8 individus que nous avons pu observer ont tous été bagués (2010 et 2011). Nous avons pour la première fois, grâce aux bagues, qu'il utilisent l'ensemble des motu pour leur alimentation, tout en ayant un "territoire" propre à chacun. Les mâles défendent l’intrusion d’autres mâles tandis que les femelles circulent librement et ne semblent pas avoir de territoires délimités comme les mâles. Tous les déplacements des oiseaux ont été notés et un suivi de l’utilisation du motu est à mener. 

Chant d'un mâle
Pour la première fois dans l’étude de l’espèce, des roucoulements de mâles perchés ont été entendus : sur Rangiroa en novembre 2011 (où ils ont permis de localiser les oiseaux dans les arbres) et surtout en juillet 2012, avec un oiseau en parade continuelle sur plusieurs jours.
Les mâles émettent ces sons en hochant la tête vers le bas et restent dans cette position pendant parfois 1 minute. Ils se tournent ensuite d’un quart de cercle et répètent la même parade, jusqu’à avoir fait les 4 points cardinaux. Le roucoulement est peu audible, sourd, soufflé et porte rarement à plus de 20 m pour une oreille humaine. Un mâle a été suivi pendant 4 journées (au moins 3 h par jour) et tout au long de cette durée il passait le plus clair de son temps (80 %) perché, à roucouler dans un secteur de 50 m de diamètre dans le sud-ouest du motu principal. 


En août 2012, le premier nid de Gallicolombe erythroptère, construit dans un pandanus, aurait été découvert : l’oiseau a été observé paradant à moins d’un mètre cette plateforme de branchette, mais n’a pas été vu construire directement le nid.

Interventions sur le milieu
Nous avons réalisé quelques expérimentations de favorisation des espèces consommées par le Tutururu notamment le pokea (Portulaca lutea), présentant une répartition réduite, limitée à une bande côtière de quelques mètres de largeur et principale alimentation du Tutururu à Rangiroa. Les Puatea (Pisonia grandis) et les Tohonu (Heliotropifolium argentea) ont tendance à s'étendre au-dessus de certaines zones de pokea, qui ne résiste pas à l'ombre et meurt au bout de quelques temps. Un agrandissement des clairières à pokea a été réalisé et sera suivi par la suite. 
Parallèlement, il a été procédé à l'arrachage de jeunes cocotiers arrivant par voie de mer sur les rivage des motu.  

Implication des acteurs locaux
La mairie de Rangiroa apporte son soutien aux actions en faveur du tutururu en mettant à disposition de la S.O.P. MANU une embarcation (de 1 à 3 fois par an). Hans Gfeller, proporiétaire dun motu voisin de Omaï  et membre du conseil municipal, est présent lors de chaque action pour nous conduire sur place et proposer son soutien. 
La S.O.P. MANU a également obtenu de la part de son propriétaire la location gratuite du grand motu Omaï pour 9 ans. 
La veille du départ de notre mission sur Omaï, une réunion publique d'information n'a réuni qu'une poignée de personnes (pour la plupart déjà concernées et engagée pour la protection du tutururu). Une intervention d'une demi-heure en français et en tahitien sur la radio locale a permis de diffuser plus largement des informations sur la situation actuelle de cette espèce. Une campagne d'affichage, débutée à la même date, a complété cette action de sensibilisation de la population locale. 


Sources : Les lagons de Polynésie françasie, Polymages, Jean-Louis Saquet, 2011 ; Oiseaux du Fenua, Tahiti et ses îles, Thétys éditions, Anne Gouny, Thierry Zysman, 2011, Lettre Te Manu n°81, juin 2013.

mardi 25 mars 2014

Des volcans aux atolls


Dans un passé bien lointain pour nous, les fonds océaniques ont été percés par des remontées de laves, appelés les points chauds. ceux-ci sont ancrés dans le manteau terrestre et demeurent immobiles. Le déplacement des plaques lithosphériques au dessus d'eux, a créé, en surface, des alignements de volcans, à l'origine des archipels. 
Les îles hautes sont d'anciens volcans refroidis. L'érosion dégrade ses pentes, et sous l'effet de son propre poids, le cosne volcanique s'enfonce progressivement dans l'océan (phénomène appelé la subsidence) et constitue ce que l'on appelle une île haute (Tahiti). Les coraux colonisent peu à peu les pentes du volcan désormais sous l'eau, et petit à petit construisent un récif. Le volcan continue à s'enfoncer sous la surface de l'eau, le corail à se développer, créant le récif barrière qui sera, au bout de quelques millions d'années, le seul à émerger et constituera un atoll. 
Source : www.graines-des-iles.com
Il existe environ 400 atolls dans le monde, dont 136 localisés dans le triangle polynésien (84 en Polynésie française, soit deux fois plus que d'îles hautes).
Un atoll est donc une couronne de récif corallien (les algues jouent également un rôle important) qui abrite un lagon, et dont la taille et la forme dépendent des anciennes îles hautes qu'elles contenaient. La couronne récifale de certains atolls peut être rompue par une ou plusieurs passes (c'est le cas pour Rangiroa) ouverte sur l'océan. Il existe également des atolls ayant perdus leur lagon, que l'on dit "comblés". Ces différentes caractéristiques influence la biodiversité propre à chaque île haute.
Enfin, il existe également des atolls submergés dont on sait peu de choses, ni pour quelles raisons ces édifices n'ont pas résisté au phénomène de subsidence. 
Source : Les lagons de Polynésie française, Polymages, Jean-Louis Saquet, 2011. 


Rangiroa, 2ème plus grand atoll du monde

Source www.letahititraveler.com
L’atoll de Rangiroa, situé à environ 350 km au nord-est de Tahiti (environ 1 heure d’avion) dans l’archipel des Tuamotu, est le deuxième plus grand atoll du monde par ses dimensions (75 km d’est en ouest et 25 km du nord au sud). 
Constitué d’environ 415 motu, il compte environ 66 km² de terres émergées. Le climat est de type tropical humide avec des saisons assez distinctes (saison des pluies de novembre à avril).
La majorité de la population (environ 3000 personnes) se concentre essentiellement sur une partie de l’île, au nord, entre les passes d’Avatoru et de Tiputa (10 km sur les 280 km de circonférence que compte l’atoll). La plongée sous-marine est devenue une activité phare attirant des plongeurs de toutes nationalités.  La passe de Tiputa est désormais un spot très réputé pour la richesse de sa faune (requins, dauphins et raies). 
Les Tuamotu, un archipel de Polynésie

Situé en plein coeur du Pacifique, presque à mi-distance entre le Chli et l'Australie, La Polynésie française avec ses 118 îles, s'étale sur une étendue comparable à celle de l'Europe. La surface terrestre totalisée par l'ensemble des îles de ses 5 archipels compte à peine plus de 3 500 km2, soit à peine la moitié de la corse. Ce territoire essentiellement maritime abrite 2 types d'îles : les îles hautes et les îles basses (le atolls). 

L'archipel des Tuamotu est le plus étendu et comprend 77 atolls. Le plus grand d'entre eux, Rangiroa, bénéficie d'un attrait touristique (en plus de la pêche et de la culture du coprah) et attire de nombreux plongeurs sous-marins depuis une vingtaine d'années.
Source iaorana-tahiticroisiere.com

Sources : Le livre de Tahiti, Jean-Louis Saquet, Editions avant et après ; Tahiti et la polynésie française, Lonely planet.
Présentation

Ce blog présente plusieurs sites de Polynésie française (plus précisément sur l'atoll de Rangiroa, dans l'archipel des Tuamotu) étudiés dans le cadre de mon BTSA Gestion et Protection de la Nature. 
Les milieux présentés comportent donc des caractéristiques particulières, propres à cette région du monde et au climat tropical qui y règne.